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Le Christ dans la perspective maçonnique : Sacralité sans religion

La Franc-maçonnerie, héritière de la tradition des bâtisseurs et des écoles de mystères, n’a jamais eu pour ambition de fonder une religion.
Elle ne prétend pas imposer une vérité révélée, mais offrir à ses membres un cadre de réflexion et de progression intérieure.
Dans cette quête de lumière, la figure du Christ occupe une place singulière : non en tant que dogme, mais comme archétype de transformation.
Comme l’écrit Irène Mainguy : « La Franc-maçonnerie ne retient du Christ que ce qui permet l’élévation de la conscience, sans se préoccuper de sa divinité ni des querelles théologiques. » (La Symbolique maçonnique du troisième millénaire, Dervy, 2005).

Le Christ, dans cette lecture, n’est pas le Sauveur unique tel que le définit l’orthodoxie chrétienne, mais un homme pleinement homme, porteur d’une sagesse universelle.
L’initié peut reconnaître en lui le modèle d’une humanité en marche vers la lumière.
Son supplice, loin de n’être qu’un acte de barbarie historique, devient un passage symbolique : celui de la mort de l’homme profane et de la résurrection de l’homme “éclairé”.
Dans le langage maçonnique, on parlerait d’une transmutation de l’être, d’une descente dans les ténèbres suivie d’une remontée vers la lumière.

Historiquement, la figure du Christ est présente dans les Hauts Grades du Rite Écossais Ancien et Accepté, notamment dans les degrés chevaleresques.
Le Chevalier Rose-Croix, 18e degré du REAA, invite le franc-maçon à méditer sur la Passion du Christ non comme un dogme, mais comme une allégorie de la souffrance humaine sublimée par l’amour universel.
Irène Mainguy précise à ce propos : « Le Christ y est présenté comme le modèle initiatique par excellence, qui accepte de mourir à lui-même pour renaître dans la vérité de l’Être. »
(De la symbolique des grades aux arcanes du REAA, Dervy, 2012).

Cette approche spiritualiste de la figure christique s’inscrit dans la lignée des travaux de Louis Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu, pour qui « le Christ intérieur » est l’image du divin que l’homme doit éveiller en lui-même.
Il ne s’agit pas d’un salut extérieur, mais d’une intériorisation du sacré.
Ainsi, l’homme lambda, méprisé, persécuté, peut par le travail maçonnique retrouver sa dignité spirituelle, se réintégrer dans l’ordre du cosmos, et renaître dans un destin humain réconcilié avec la lumière.

Ce n’est pas le Christ triomphant des cathédrales, mais le Christ silencieux du cœur du temple intérieur que la Maçonnerie invoque en creux. Ce Christ là ne juge pas, il éclaire. Il ne promet pas le paradis, il invite à l’accomplissement. Il ne sépare pas, il rassemble. Il ne fonde pas une religion, il révèle une voie. Une voie exigeante, qui suppose dépouillement, silence, fraternité, et constante quête de vérité.

Ainsi, la Franc-maçonnerie, dans son essence humaniste et spiritualiste, fait du Christ un compagnon de route, une figure lumineuse parmi d’autres, qui parle à la conscience universelle. Elle n’en retient pas la croix du dogme, mais le message de l’amour libérateur. Elle ne prie pas le Christ, elle marche avec lui — non derrière lui, mais à ses côtés, dans ce long périple qu’est la réintégration de l’homme à sa dimension spirituelle.

Alexandre Rosada Avril 2025

Alexandre Remo ROSADA

Journaliste et Auteur.

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