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Initiatique : Bouddhisme et Franc-Maçonnerie : Du Loha Prasat au Temple Intérieur.

Il est en plein cœur de Bangkok un édifice aux lignes pures, d’une rigueur presque alchimique,
un joyau rare du Theravāda : le Loha Prasat, ou « Château de Métal ».
Inspiré de modèles anciens disparus de l’Inde et du Sri Lanka, il se dresse comme un mandala vers le ciel, véritable représentation tridimensionnelle du chemin intérieur.
Ce sanctuaire, aux 37 flèches de métal symbolisant les 37 aides à l’Éveil
, offre une structure verticale, labyrinthique, centrée sur un axe invisible, que seuls les initiés pressentent.

L’analogie avec la Franc-Maçonnerie, en particulier celle du Rite Écossais Ancien et Accepté, ne peut qu’émerger à mesure que l’on contemple et que l’on parcourt ce temple.
Comme la Loge, le Loha Prasat est un instrument de transmutation.
L’une et l’autre traditions ont pour but non de transmettre un dogme, mais de permettre une transcendance de l’ego, une libération graduée des illusions du monde profane.

Labyrinthe et Purification

Le pèlerin pénètre par le bas, dans un entrelacs de couloirs, de pièces sombres, de passages étroits.
Le Loha Prasat commence par le labyrinthe, épreuve du mental et de l’émotion, qui rappelle l’obscurité du Cabinet de Réflexion du maçon.
C’est la descente dans soi, la confrontation à l’Avidyā, l’ignorance, dans le bouddhisme, ou aux passions désordonnées dans la Tradition occidentale.
C’est là que l’âme se dépouille.

Dans la Loge, le premier degré, celui d’Apprenti, correspond à cette phase où l’on apprend à tailler sa pierre brute, à travailler sur soi.
Le Loha Prasat, dans sa base labyrinthique, est le miroir de cette purification lente, où l’être encore confus s’égare pour mieux renaître.

Vers le Centre

Plus on monte, plus la lumière se fait présente.
Les salles se déploient autour d’un vide central, véritable axe du monde, évoquant le
Mt Meru dans la cosmologie indienne ou la colonne Jakin dans la loge maçonnique.
Ce chemin ascensionnel mène du multiple à l’Un, de la périphérie au centre, image inversée du profane s’approchant du divin.

En Franc-Maçonnerie, cette montée correspond au passage du grade de Compagnon à celui de Maître : un dévoilement progressif du Verbe Perdu, une conquête de l’harmonie supérieure, de l’équilibre entre les polarités.
La colonne vertébrale du Loha Prasat est comparable à l’échelle de Jacob maçonnique : les degrés sont des états de conscience, et l’ascension est un changement d’être.

Pavillon de Silence et Septième Ciel

Au sommet du Loha Prasat, se trouve un pavillon ouvert, baigné de silence, où le souffle devient prière, où l’esprit efface ses limites.
Ce lieu représente le Nirvana, mais aussi, dans la tradition maçonnique, le septième ciel de l’Initiation, celui où l’homme s’est affranchi des illusions du monde et de lui-même.

Cette cime est l’équivalent du Saint des Saints : la chambre haute du Maître, le Temple spirituel invisible construit sans outils humains.
Dans les deux traditions, on ne
possède pas cette élévation, on s’y efface.
L’Éveil bouddhique et la réalisation maçonnique partagent cette vérité : ce n’est pas moi qui deviens sage, c’est la sagesse qui émerge lorsque le moi se tait.

Voie du Milieu et Perpendiculaire

Mais le Loha Prasat regorge d’autres trésors, il incarne la Voie du Milieu prônée par le Bouddha : entre l’ascèse stérile et la jouissance vaine, là où  se trouve la voie du juste équilibre, que l’on retrouve aussi dans le symbolisme du fil à plomb du Second Surveillant.
Cette perpendiculaire n’est pas qu’un outil : c’est un principe de rectitude.
Elle guide l’initié, maçon ou moine, vers une verticalité intérieure. L’être devient axe, trait d’union entre la terre et le ciel.

Gnose Universelle

Ainsi, le Loha Prasat n’est pas qu’un temple bouddhiste, il est un archétype initiatique universel.
Comme la Loge maçonnique, il est un espace sacré où l’homme devient son propre Temple, où chaque marche gravie est une vertu conquise.
Le Nirvana n’est plus une abstraction lointaine, mais une réalité intérieure.
Et la Maîtrise maçonnique n’est plus une dignité sociale, mais une transfiguration spirituelle.

Finalement, il y a dans le Loha Prasat une forme d’architecture initiatique que la Franc-Maçonnerie reconnaît
comme sienne : une ascension de l’obscurité vers la lumière, du multiple vers l’Un, de l’ego vers le Soi.
Il rappelle au Frère que, comme le moine, il est pèlerin et bâtisseur.
Son Temple est en lui, et son chemin, s’il est vrai, le mènera non à la vérité imposée, mais à la vacuité pleine de l’Être, là où le Nom ineffable ne se prononce pas, mais se vit.

Alexandre Rosada @2018
Photo @AR

Alexandre Remo ROSADA

Écrivain et Journaliste.

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