Autrui, Moi et les Autres !

Autrui, Moi et les Autres

Préface.

L’altérité doit être comprise sur la base d’une division, entre « soi » et « l’autre ». Souvent l’autre, c’est celui qui a des coutumes, des traditions et des représentations au monde, qui sont différentes de moi. Ainsi l’autre devient « eux » avant de faire « nous ». Il est donc nécessaire de faire ce travail qui consiste à passer du « je » au « nous ». Se mettre à la place de l’autre, en résonance avec son propre point de vision. Il faut une volonté, pour faire dialogue et compréhension, et faire cause commune. Ce qui est vrai pour les humains l’est également pour les états, avec la mise en place d’outils, pour décider de ce que sera la cité harmonieuse à vivre ensemble. Ce texte est une réflexion, pour encourager le respect de la rencontre avec l’autre ,celui qui diffère de moi, mais qui m’enrichit.

L’autre et moi.

Enfant d’Athènes, de Rome, de Jérusalem, de l’Absolutisme, des Lumières, de l’Atlantique, du Pacifique, d’Océanie, de Nouvelle Calédonie, nous sommes depuis l’aube de l’humanité en relation profonde avec nos prochains, tout simplement parce que cette relation est porteuse de finalité. Une nécessité vitale au cœur d’une société donnée, en tant qu’individu et en notre qualité d’espèce humaine.

Physique, biologique, spirituelle, mais aussi culturelle, sociale et historique nos existences ne se conçoivent que dans le cadre d’une relation à l’autre dans le grand tout.

Comment pourrions-nous exister autrement qu’au travers du regard d’autrui ? Cette approche est non seulement capitale pour vivre ensemble et faire société mais également pour faire cause commune et survivre, pour le futur, à ce que nous sommes, au temps présent. Comment peut-on exister sans la présence d’un autre que soi, ou d’un autre système. Peut-on vraiment exister en étant isolé ? En clair, sans communauté de destins, comment vivre, faire sens, se projeter?

De fait la rencontre avec l’autre, est multiforme. Amicale, affectueuse, amoureuse, cordiale, accueillante, sincère, bienveillante ou malveillante, elle s’opère toujours dans l’échange. La richesse de la diversité ouvre les portes des potentialités. Nos interactions nous engagent sur la voie du possible. Ensemble nous émergeons vers davantage de complexités en partageant le négatif et le positif, pour aboutir en unité. Et si l’isolement conduit inévitablement à la disparition, l’altérité nous place au centre du dispositif.

Ne badinons pas, notre relation à l’autre peut être conflictuelle, neutre ou constructive, il est un fait entendu : elle nous constitue et nous créée ! Un peu comme une poignée de mains, qui ne pourrait se concevoir sans l’autre en face de moi.

Réfléchissons : Comment ce signe pourrait-il se réaliser seul en son entier ? Par ce geste de respect et de reconnaissance de l’autre, l’irrémédiable dialogue s’effectue à deux, car ainsi par l’acte, nous appelons l’Autre à nous montrer l’autre réalité de nous-mêmes. Et même si nous demeurons irrémédiablement seul sur notre voie, ne recherchons-nous pas, conjointement ensemble, l’émergence d’une altérité, comme une force indispensable dans toute entreprise humaine, et sa nécessaire organisation ?

Ainsi dans cet exemple la politique dans le sens noble du terme, pense l’altérité comme condition humaine augmentée, afin de vivre ensemble, car le respect mutuel dans l’intérêt général est le fondement de toute démocratie.

Il en va de même pour la recherche de sa liberté par cette même altérité. Tous les êtres de lumières, éclairés par cette soif d’autonomie, prêts au sacrifice, ont versé leur sang pour obéir à leurs propres lois. En quête d’un profonde et sincère éthique dans le cadre de lois sociétales à respecter, notre relation à l’autre fonde également cette démarche dans une idée de bien vivre ensemble.

Car si vivre en altruisme c’est évidemment se plier aux contraintes, vivre sans foi ni loi, devient barbarie. Contrairement aux dogmes religieux, et aux partis politiques qui imposent et modélisent les citoyens, vivre en altérité c’est trouver chacun sa liberté, sa vérité, mais en concorde et dans le respect d’autrui. Une démarche fondamentale.

L’altérité ne saurait également se concevoir sans la solidarité et le partage. Être, c’est être avec ! Personne ne détient la vérité.

Où que l’on soit, dans un mode économique indexé aux résultats où l’humain souvent meurt broyé par le système, l’altérité comme la pierre angulaire de nos sociétés nous oblige à repenser les solidarités en dépassant nos égoïsmes. Hélas, le développement des technologies et le bien-être matériel isole souvent la relation à l’autre. La virtualité trop répandue des rapports humains n’a fait jusqu’a aujourd’hui que produire une multiplication des seuls. Quel appauvrissement !

Afin de lutter contre ces fragmentations aliénantes, redoubler d’altérité nous oblige mais nous rapproche également dans une dimension de classe, et en particulier des plus faibles et des plus démunis. Ceux que la société laisse de côté, ou met hors-jeu. Ceux que nous ne voyons pas, si près de nous, tout à côté, l’ignominie suprême étant que nous ne voulons pas les voir. Dans la chaîne de la vie, les maillons faibles, rompus, n’ont plus droit de cité. En la matière, la dichotomie entre les paroles et les actes des politiques en exercice est intolérable. Ainsi se tourner vers l’autre, prendre le temps de l’écoute bienveillante, porter attention, donner des conseils, apaiser la souffrance, chercher la paix et la concorde c’est une partie de notre mission. Car ce qui nous fait exister en respect au milieu des autres c’est vivre, parler, agir en adéquation, faire le bien,  avec notre propre humanité.

Qu’emporterons nous lorsque nous franchirons les portes du néant, rien ! Sauf ce que nous aurons donné.

L’altérité et l’amour .

Et si parler de l’Autre revenait donc à parler d’Amour ?

Au-delà de l’idée de fraternité, la dimension altruiste est omniprésente dans les traditions spirituelles et philosophiques en connexion avec les valeurs cardinales et/ou théologales. Notamment le sens de la vie et de la mort, l’inconnu face aux mystères, la dualité de la lumière et des ténèbres… Et si Moïse a apporté la Loi du principe, Jésus l’a complétée et il a apporté le concept de l’Amour. Le message judéo-chrétien, plus tard laïcisé, par le courant philosophique des Lumières, a progressivement remplacé l’idée de vengeance par celui de justice, ouvrant la pensée humaine sur les champs d’un discours humaniste et universel de la notion d’altérité.

Ainsi sur le plan religieux : notre rapport à l’autre est sous tendu par la permanence de réussir à trouver notre voie en esprit et en vérité, comme nous y invite le message chrétien.

Il n’est qu’à se rappeler la parole divine porté par son messager, sans ambiguïté en la matière: « Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés » (Jean). A la haine il faut donc opposer l’amour, comme le seul message pour vaincre l’intolérance et l’égocentrisme.

Amour/charité, fraternité, foi en l’autre, notre activité est portée par le sacrifice de notre individualité dans une nouvelle dynamique trinitaire pour aboutir dans l’unité au service de mon semblable dans un esprit de bien commun.

Rappelons que d’autres traditions ne sont pas en reste :

Hindouisme « Ne fais pas aux autres ce qui te ferait souffrir » . Islam « Aucun de vous n’est croyant tant qu’il n’aime pas son frère». Bouddhisme « Ne blesse pas autrui avec ce que tu trouverais douloureux » . Judaïsme « Ce qui est haïssable à tes yeux, ne le fais pas à ton prochain » . Franc maçonnerie « Fais aux autres tout le bien que tu voudrais qu’ils te fissent à toi-même » .

Comme aimer à le dire Emmanuel Lévinas « L’autre m’interpelle ». Tel un ciment depuis les temps les plus reculés l’autre est la source du partage. Contemporain d’un siècle de barbarie, Lévinas a cherché dans son œuvre à donner à l’autre un sens essentiel. Sa propre famille avait été massacrée par les nazis en Lituanie. Lui-même fut fait prisonnier de guerre pendant cinq ans. Etre interpellé par l’Autre, c’est donc s’accepter dit-il, pour accepter l’autre comme soi-même. Et donc l’aimer comme soi-même. La connaissance des êtres humains est à ce prix, pour s’épanouir dans une bonne vie, comme élément moteur de sa conduite.

Mystérieuse force qu’est l’amour. Elle vise au rapprochement et à la fusion des âmes. Elle construit des édifices d’êtres vivants sans contreparties, que l’harmonie, la sérénité et la stabilité au présent et pour l’avenir. On peut même oser le mot de salut et de paix intérieure, pour l’humain qui recherche cette paix de l’altérité. Ainsi une forme de reconnaissance réciproque s’opère dans le partage, sans arrières pensées, ni récompenses à attendre.

Nous l’admettons, nous n’existons qu’à travers le regard de l’autre. Si nous nions cet état de fait nous risquons un inévitable chaos.

Voir, entendre, sentir, toucher l’autre, la relation est hautement physique pour aboutir dans des échanges riches en potentialités. Sans échanges, la disparition est inévitable. Nos cerveaux et nos cœurs unis, nous permettent de créer des liens afin de tisser la natte sur laquelle nous pouvons prendre place, et construire ensemble, sur le plan des idées et des concepts.

@ Alexandre Rosada – 2019

Article paru dans la revue littéraire  » Sillages d’Océanie  »

Republié 09.04.2024.

 

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