REAA – ORDRE SPIRITUEL
Voici quelques réflexions afin de définir ce qui constitue l’Ordre Spirituel du REAA.
En clair, il s’agit d’explorer les enjeux spirituels dans notre quête philosophique visant à élever l’individu, à renforcer les liens entre les êtres humains,
et explorer les mystères du divin et de la nature.
Rappel Historique.
Dans les profondeurs des archives marmoréennes de l’ Ordre maçonnique, un silence de cathédrale régnait.
Les dossiers jaunis, porteurs de siècles de sagesses et de révélations ésotériques, rappelaient au voyageur attentif le poids du temps et la grandeur de l’engagement.
Ici, à Lausanne, au cœur de ce Convent mythique de 1875, se forgeait l’esprit même du Rite Écossais Ancien et Accepté, dont les idéaux transcendaient les simples rituels pour atteindre une quête spirituelle absolue.
Le Grand Collège des Rites siégeait, statuant sur des arcanes invisibles aux yeux des profanes.
Les Dignitaires, rassemblés dans un silence révérencieux, savaient que ce Convent n’était pas une simple réunion ; il représentait l’incarnation même de la perpétuation d’une quête universelle pour l’élévation de l’âme humaine.
Ici, chaque mot pesé, chaque symbole interprété, chaque serment renouvelé transcendait les divisions terrestres pour s’ancrer dans l’éternité.
Loin d’être une simple assemblée administrative, le Convent de Lausanne était le temple même de l’esprit initiatique, une jonction entre l’humain et le divin, entre la connaissance voilée et la révélation ultime. Le Rite Écossais Ancien et Accepté, dans sa forme la plus pure, y trouvait son souffle, rappelant à ses adeptes que chaque degré de la hiérarchie n’était qu’une marche vers l’indicible, le sacré, l’intangible.
Origine
Nous le savons, les grades capitulaires assurent la transition entre Les Ateliers de perfection et les Aéropages. Ils nous permettent la poursuite fructueuse de notre quête initiatique.
Ces grades contiennent des textes issus de la tradition, pour lesquels, nous dit le rituel, il serait vain de chercher des preuves historiques.
Et parce que nous vivons le passage d’une ancienne loi à une nouvelle loi, ces grades nous conduisent à une spiritualisation plus haute, chargée d’une vision originelle chrétienne à une transposition alchimique et ce
tout en restant dans la pureté initiatique traditionnelle.
Il faut se souvenir qu’aux origines de notre Rite, en plein XVIII siècle des Lumières, régnait jusqu’alors, une spiritualité essentiellement religieuse avec la création des monothéismes.
Être athée ou agnostique était l’exception, au regard de la règle officielle, empreinte d’interdits, et de persécutions physiques et morales.
L’apparition des Hauts Grades, à cette époque, introduit dans nos rituels de nouvelles sources de spiritualité en marge des religions officielles : comme la mystique, l’hermétisme, le gnosticisme, ou la kabbale.
Une grande évolution permis au Grand Architecte de l’Univers toute sa portée et son sens initiatique notamment dans les Hauts Grades du REAA, qui travaille à unir foi et raison, montrant que les deux ne sont pas opposées mais complémentaires.
La présence spirituelle.
Nos loges sont des espaces symboliques où les participants, issus de différents horizons et parcours initiatiques, tentent de surmonter les frontières individuelles pour parvenir à une unité transcendante.
Il s’agit d’une quête vers la réconciliation de l’être humain avec le monde et, en un sens plus vaste, avec le cosmos lui-même. Cette quête inclut la reconnaissance des forces universelles qui guident la vie, le destin et les mystères qui enveloppent l’existence humaine.
Dans la tradition maçonnique, l’éveil à la vérité est essentiel. Les Dignitaires réunis lors du Convent ne se contentent pas de préserver des rituels ou des doctrines figées ; ils cherchent à réinterpréter, à éclairer les symboles pour qu’ils résonnent avec les réalités spirituelles contemporaines. Cet éveil à une vérité supérieure nécessite un engagement envers la vertu, le courage moral et la compréhension d’une sagesse intemporelle.
Les Hauts Grades du REAA ne sont pas de simples distinctions honorifiques ;
ils représentent une progression dans la connaissance de soi et du monde.
Chaque degré initiatique permet de gravir une marche supplémentaire dans la quête de la sagesse.
Cette ascension est une invitation à dépasser les contingences terrestres pour se tourner vers l’idéal, le Beau, et le Vrai.
Il est donc clair que l’ordre spirituel dans lequel nous sommes plongés avec son principe créateur procède d’un aspect spiritualiste ouvert , tolérant en totale liberté de conscience et de neutralité.
Cette démarche universelle est la clé de voûte de notre Rite. Il ne s’agit pas d’être en idolâtre d’une entité divine, mais bien de témoigner de l’admiration que nous inspire le mystère de la création.
L’ordre spirituel, nous permet de nous insérer et d’œuvrer à la réalisation des idéaux inspirés par l’esprit.
Car il nous revient d’allumer la flamme, d’explorer notre âme et notre cœur.
Observer la nature et séparer le pur de l’impur.
Pour celui qui veut s’instruire du mystère des profondeurs de la création, notre ordre est bien le lieu de cette sagesse.
Ce n’est donc pas un hasard si les grades capitulaires «sans abandonner le temple matériel» servent de passerelle entre l’ancienne loi et la nouvelle Loi et permettent ainsi à l’initié de pratiquer la loi d’amour, grâce à la parole retrouvée.
Et c’est un amour de pasteur, de bon pasteur dont il s’agit notamment au 18e degré, à l’instar de l’amour du Christ pour tous les hommes, selon Jean l’évangéliste : “Moi je suis le bon pasteur, je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent, comme le père me connaît, et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis” Jean (10,14-15).
Et si la continuité spirituelle du grade du 18e degré ajoute ce concept de la Loi d’Amour. Il s’agit là, pour nous FM, d’amour pour l’humanité. Une charité destinée à apporter un soulagement et une consolation aux malheurs de nos semblables.
Nous sommes devenus des pasteurs de peuple, afin de les guider, les instruire et de leur enseigner par la parole et par l’exemple une fraternité qui aidera l’évolution humaine.
Une fraternité de communauté et un amour poussé jusqu’au sacrifice comme une offrande suprême, totale et volontaire dans la démarche.
A ce stade notre démarche devient celle de transmettre aux générations futures les valeurs et les enseignements reçus.La transmission ne se limite pas à des rituels, mais inclut une réflexion philosophique profonde. A notre tour nous devenons les gardiens d’une tradition qui aspire à l’élévation spirituelle, morale et intellectuelle de l’humanité.
Si nous revenons un peu en arrière au moment de notre entrée dans le 1er Temple…Nous nous souvenons avoir subi plusieurs chaos : du drame intérieur de la mort d’Hiram avec comme conséquences la perte des mots de maître, le choc de la licence du Roi Salomon au 14e degré, fourvoyé hors du sentier de la Loi, la catastrophe de la destruction du 2e temple, troisième psychodrame qui nous oblige à la reconstruction…mais cette fois le temple de pierre s’est transformé en temple de chair.
Avec La pierre détruite face à la chair immortelle nous touchons au temporel et à l’éternel. Dans le Temple Noir nous allons de colonnes en colonnes et nous découvrons les trois vertus théologales Foi Charité Espérance.
Pour nous la Foi est initiatique. C’est la lumière de la raison qui éclaire l’esprit et la détourne des mauvais compagnons. C’est avant tout la Foi en l’homme, première valeur essentielle.
La Charité c’est cet amour sacré de l’Humanité et le bonheur du genre humain par la concorde et la solidarité. La charité nous porte à nous identifier à un acte d’amour, avec tout ce qui vit. A nous sentir partie intégrante du Grand Tout.
L’espérance c’est nous qui portons le message en permanence dans le monde extérieur, c’est croire dans la réparation des torts et la justice immanente. C’est ce qui nous guide et nous soutient.
Ainsi lorsque les lumières Foi et Charité sont éteintes, l’Espérance nous éclaire toujours pour ranimer la flamme des deux autres.
Plus tard , vêtu d’un voile noir, nous attendons le moment de l’entrée dans le Temple rouge où brillent 33 lumières.
Plus tard, vêtu d’un voile noir, nous attendons en silence, enveloppés par l’obscurité et l’anticipation. Chaque respiration se fait écho dans l’immensité de l’instant. Le temps suspend son cours, comme si l’éternité elle-même retenait son souffle. Nous sommes réunis là, dans l’ombre protectrice du voile, qui masque autant qu’il révèle, symbolisant la frontière entre le profane et le sacré, l’ignorance et la connaissance, le monde extérieur et l’initiation intérieure.
Puis vient l’heure de l’entrée dans le Temple rouge, où s’ouvrent les portes de la lumière initiatique. Ce Temple, baigné d’une lueur rouge en hommage à la flamme intérieure qui nous anime, s’illumine de 33 lumières. Elles représentent l’accomplissement du chemin, les degrés franchis un à un, la culmination d’une quête spirituelle qui dépasse l’humain et touche au divin. La lumière des 33 flammes n’est pas aveuglante, mais bienveillante et inspiratrice. Chacune d’elles incarne un palier franchi, un mystère dévoilé, un moment de vérité entrevu.
Dans cette atmosphère empreinte de solennité, le voile noir devient le témoin de notre transformation. C’est dans l’obscurité que la lumière trouve tout son éclat, et c’est par l’humilité et le silence que nous atteignons les sphères de la sagesse. En entrant dans ce Temple, nous n’entrons pas seulement dans un lieu, mais dans une dimension d’éveil, où les symboles deviennent les clés du sacré et où chaque pas mène vers une compréhension plus profonde de notre être et de l’univers.
Le Temple rouge nous accueille, et dans cette lumière rituelle, chaque franc-maçon reconnaît la fraternité, l’éternité et la mission qui l’attend.
Analogies et discernement.
Evidemment la foi chrétienne et le contenu initiatique au 18éme degré sont très proches.
Le premier temple représente le mont Golgotha. Les trois vertus théologales sont un des thèmes centraux du grade. INRI est la parole retrouvée et le mot sacré. Le voile s’est déchiré, à la reprise des travaux, la pierre cubique sue sang et eau, puis une fois les travaux suspendus, la nouvelle loi doit régner.
A ce stade il est important de prendre de la distance avec la doctrine chrétienne, pour éviter les confusions et ne pas perdre de vue notre dimension symbolique. Car après tout il ne s’agit pour nous que de foi en l’homme, comme la charité est celle de l’entraide et de la protection de la veuve et de l’orphelin. L’espérance c’est nous, en la concrétisation de la Loi d’Amour dont nous parle Jean dans son évangile.
Avec cette nouvelle progression, notre devoir est désormais de connaître la parole incarnée en nous. La révélation devient finalement cette révolution de nos conflits, de nos conditionnements, de nos préjugés. Le dévoilement opéré, nous sommes donc passés de l’obscur en nous, à la vérité en nous : la lumière du parfait maçon qui a trouvé l’esprit du monde parce que le verbe s’est fait chair.
Les chrétiens y voient le Christ, nous y voyons l’ordre spirituel à consolider. Une forme d’absolu commune aux Alchimistes qui font jaillir le subtil de la matière épaisse, par l’observation de la nature sans cesse à renaître.
Nous sommes cette parcelle de l’univers, conscient de notre finitude.
Les noces du ciel et de la terre.
Et parce que nous parlons d’alchimie, il est bon de se souvenir de toute la puissance de la cérémonie de la cène, qui faut accueillir en initié et non en religieux.
Certes la distanciation est difficile car d’aucun pourrait y voir en fonction de sa culture catholique, une traduction de l’eucharistie. Pour autant, il est primordial de déposer un autre regard sur ce repas communautaire d’agapè fraternelle. La pratique du REAA au 18e degré nous invite à célébrer un moment important dans une dramaturgie dont il a seul le secret, mais il est à noter que la cérémonie de la Cène est le seul moment dans le Rite, avec la chaîne d’union, où nous retirons nos gants en tenue. Deux moments où le contact entre les frères devient charnel, car nous savons que les CRC ne sauraient être que pur esprit, il reste humain de chair et de sang en fraternité.
Union il en est justement question au moment de la cène ou nous partageons équitablement la même substance. Le sens de ce moment est l’effacement des différences et l’expression d’une dépersonnalisation pour permettre la restructuration et le retour à soi.
Le déplacement de la lumière, la fumée de l’encens, annoncent un événement avec en main une baguette de pèlerin, le voyage ne fait que commencer pour aller vers la compréhension du mystère. Voyage circulaire formé par les chevaliers rose croix la viennent alors la circulation de la substance et du fluide, le pain et le vin.
Symbole de la spiritualité, le pain levé de la terre mûrit par le feu, il est un élément solide du mercure alchimique. Le vin, nous rappelle la magie de la transformation de l’eau en vin, mais aussi du sang versé pour le rachat de l’humanité. Un élément alchimique qui rappelle le soufre.
Vient ensuite l’injonction de prendre, de manger et de boire et de partager dans une dimension altruiste. Il s’agit ici d’incorporer l’herbe et le fruit, énergies recueillies dans l’estomac comparable à l’œuf philosophique des alchimistes. Dans ce creuset, cet athanor, la rencontre des énergies nous transcende. A ce repas s’ajoutent les signes, attouchements, mots de passe et mots sacrés. Signe et contresigne, Pax Vobis, Emmanuel et INRI. Du matériel au spirituel, chaque frère est concerné et ne peut échapper à une communion quasiment fusionnelle. Ainsi nous avons célébré les noces du ciel et de la terre, celle du matériel et du spirituel.
Le Phénix
Ainsi cette valeur alchimique intégrale qui permet d’opérer la transmutation intégrale de l’être humain nous renvoie au cycle des légendes et des mythes de l’immortalité. Ici l’être initié n’a plus besoins de mourir pour être régénéré car nous sommes déjà parvenus à ce stade supérieur, celui de dépassement. Nous sommes dans le monde subtil, sans passer par notre mort corporelle, nous sommes transmutés, et résorbé. C’est ainsi qu’il faut aborder le thème du bestiaire au grade de CRC. Si l’aigle est caractérisé par l’élévation spirituelle, le pélican nous invite au dévouement sacrificiel, et le phénix à notre propre renaissance.
Le Phénix, cet oiseau mythique renaît de ses cendres, il incarne le triomphe de l’esprit sur la mort. Dans le contexte du 18e degré, il représente la victoire de l’âme sur les épreuves terrestres et son élévation vers un état supérieur de conscience. La renaissance du Phénix évoque ainsi l’immortalité de l’âme et la continuité de la vie spirituelle, au-delà de l’éphémère.
La figure du Phénix dépasse la simple allégorie de la résurrection ; elle incarne une dimension métaphysique où l’être humain est appelé à se transformer, à « mourir » aux illusions et aux limites de l’égo, pour renaître à une vie de connaissance et de sagesse. Ce processus de mort et de renaissance symbolise l’initiation elle-même, qui exige la destruction de l’ancien soi pour permettre l’éveil d’une conscience renouvelée, plus proche des vérités universelles.
Philosophe de la pierre
Désormais la Parole est retrouvée, la Pierre cubique s’est changée en rose mystique, l’Étoile flamboyante a reparu dans toute sa splendeur, les outils ont repris leurs formes antérieures, les ténèbres sont dissipées, la lumière est revenue dans tout son éclat . Nous sommes désormais à l’heure du parfait maçon. Nous avons atteint la pleine réalisation de notre être et intègré les multiples facettes de notre inconscient. Dans ce moment d’accomplissement, le parfait maçon atteint un état d’unité intérieure et de paix spirituelle, incarnant la « sublimation » de la spiritualité maçonnique qui transforme ses instincts et ses aspirations en une conscience supérieure. Cette réalisation, dans l’esprit du REAA, nous permet de dépasser les dualités et de percevoir l’essence du divin en lui-même et dans l’univers.
En atteignant cette étape, nous devenons un « philosophe de la pierre », celui qui a trouvé la « pierre philosophale » en lui-même. La sublimation de sa spiritualité est le fruit de cet accomplissement, un moment où l’esprit du maçon fusionne avec le « Grand Architecte de l’Univers », symbolisant la complétude de l’âme.
Alexandre Rosada @novembre 2024
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