Mai 2024 : Les mots pour le dire !
Il est des mots que l’on craint comme des bêtes sauvages. Des mots qui griffent et mordent, qui hérissent les plumes des bien-pensants et dérangent les cercles policés.
En Nouvelle-Calédonie, il semble que l’on ait troqué le courage des mots pour la tiédeur des formules. On parle de « crise », comme si on évoquait un léger rhume au cœur de l’été.
Mais enfin, soyons sérieux, appelons un chat un chat !
Ce qui s’est passé le 13 mai 2024 n’a rien d’une « crise ».
Ce fut une tentative de Coup d’Etat, un séisme politique et social d’une ampleur insoupçonnée. On s’est agité autour de ce mot comme autour d’un feu de camp prêt à s’éteindre, on l’a contourné, habillé d’euphémismes, mais il reste là, inaltérable, lumineux de vérité, avec son corollaire : l’état d’urgence, le couvre-feu sans oublier l’armée.
À ce titre, l’exigence socratique doit nous rappeler que les mots ont un sens, un poids, une responsabilité.
Socrate, maître de la rigueur intellectuelle, nous aurait certainement rappelé que céder à la facilité du langage, c’est trahir la vérité. Nommer correctement les choses est un acte de justice et de lucidité. En parler autrement, c’est accepter le voile du mensonge.
Car il n’y eut point de révolte populaire et démocratique le 13 mai 2024.
Non, ce fut une action orchestrée, préméditée, méthodique.
Les émeutes, les morts, l’ingérence étrangère, tout cela s’est mêlé dans un ballet synchronisé. Les commanditaires ? Ils rôdent encore dans l’ombre, dissimulés derrière les discours fleuris de partis politiques locaux anti démocratiques et les manœuvres sournoises de groupes d’intérêt.
Qui donc osera dire la vérité ? Qui donc se risquera à braver le vent du mensonge ? Est-ce au nom d’une prétendue paix sociale, qu’on étouffe les mots comme on étrangle une idée récalcitrante ? Pourtant, la vérité se dresse, fière et noble, refusant de se faire bâillonner.
Et que dire de la manipulation ? Une savante orchestration d’informations biaisées, et de récits tronqués.
A vrai dire la liberté n’a jamais été si malmenée. Les consciences sont en exil, repliées dans un mutisme coupable ou un aveuglement consenti.
Ne nous y trompons pas : appeler une crise ce qui fut une tentative de coup d’État, c’est renier le poids des mots et insulter la mémoire des victimes.
Socrate, dans sa quête de la vérité, n’aurait pas toléré ce travestissement du langage ce glissement sémantique, cette fuite face à la rigueur intellectuelle.
Alors, osons affronter la réalité avec la dignité des vérités impopulaires.
Parce qu’au-delà des mots, il y a les vies brisées, les rêves éteints, les cœurs lourds d’injustice.
Et contre cela, il n’est d’autre arme que la précision des mots pour que passe la justice implacable, socle commun pour un chemin de reconstruction, vers un avenir réinventé.
Alexandre Rosada@ 24.03.2024