La Dureté de la Punition …

La dureté de la Punition

Cité pécheresse, par l’orgueil, le viol, l’égoïsme et son hostilité aux pauvres, et aux étrangers, la ville de Sodome, sur les bords de la mer orientale,  fait partie, comme le déluge notamment, des catastrophes bibliques.
Elle porte en elle une dimension épique et pédagogique.

Le mythe nous enseigne que le divin envoya à Sodome, deux anges messagers, pour vérifier si le péché y était avéré, car selon les textes « ce péché est énorme » et suffisamment grave pour que le divin décide d’envisager de détruire la ville.

Arrivés à Sodome, les deux anges logèrent chez Loth, fils du frère cadet d’Abraham et sa famille. Ils négocièrent avec Abraham dit-on, afin de préserver la vie de dix « justes » dont Loth, sa femme et ses deux filles, et ce, avant que la cité soit détruite.
Prévenus de leur présence, tous les Sodomites de la ville, bafouant les règles de l’hospitalité, demandèrent à Loth, qu’il leur livre les deux anges étrangers.
Refusant de se soumettre et risquant l’impudicité du péché de Sodome,  les anges s’échappèrent.
Informés la veille de la destruction de la cité,  Loth et sa famille, furent guidées hors les murs,  par les deux anges, afin de se cacher dans la ville voisine de Tsoar.
Le divin, désormais convaincu  des crimes des hommes, détruisit la ville, dans une pluie de « souffre et de feu ». Deux symboles alchimiques, que l’on retrouve dans le Grand Œuvre, pour la réalisation de la pierre philosophale.
Sodome est donc présentée comme le contraire de la sagesse recherchée. Elle incarne l’ignorance, le fanatisme et la dépravation.
Dans sa fuite, seule la femme de Loth se retourna pour regarder Sodome en flammes. Telle Eurydice, elle fut transformée,  en statue de sel, ayant transgressé l’interdit des anges, qui l’empêchait formellement de regarder en arrière.
Ici le sel est un autre symbole alchimique remarquable. Il est lié à la transmutation physique mais aussi aux lois morales et spirituelles. Associé à la faute de la femme de Loth, le sel qui la transforme, devient déséquilibre et chute.
Mais poursuivons la légende.
Seuls Loth et ses deux filles arrivèrent à Tsoar, et trouvèrent refuge dans une caverne. Les filles de Loth, imaginèrent alors naïvement que l’humanité avait disparue de la surface de la terre.
Elles décidèrent de tomber enceinte de leur père, pour perpétuer la descendance et la génération à venir. Ayant enivré celui-ci, et, par cet inceste forcé et inconscient, Loth devint à nouveau père, mais de ses propres filles.
Cet épisode est une allégorie de la perversion, de la décadence humaine, et de la justesse de la colère de la Loi.
Il est un fait que, dans toutes les sociétés initiatiques des communautés humaines, l’inceste est présent. La fascination/répulsion n’empêche pas d’en citer quelques-unes comme celle de la légende de Myrrha qui éprouve un désir coupable pour son père.
Byblis est, elle, amoureuse de son frère. L’amour de Térée pour Philoména comporte cet aspect incestueux : elle est sa belle-sœur.
Mais ici avec Sodome, comme dans toute la moralité chrétienne, la religion n’aura de cesse de développer de longues tirades pour condamner cette légende.
Pourtant, en cherchant une extrapolation, l’Incarnation chrétienne, alliance contre nature avec sa créature, preuve d’amour,  ne peut-elle également
s’interpréter comme un récit de rapports incestueux et réciproques entre le divin et sa créature ?

L’histoire de Sodome est donc, une tragédie biblique, identique à celle de la Tour de Babel, qui demeure dans notre mémoire collective.
D’une ville pécheresse provoquant la colère de la Loi et punissant les péchés.
Sodome, nous l’avons vu, est devenu ensuite symbole de débauche, de perversité et j’ajoute d’homosexualité selon la condamnation du Lévitique, troisième des cinq livres de la Torah.
Mais si notre imaginaire s’enflamme c’est parce que cet épisode est encore de nos jours porteur de sens. Le rapport hiérarchique entre les sexes, l’hospitalité, la morale sexuelle, l’inceste,
restent totalement présents dans la morale et l’éthique de notre temps présent du XXIème siècle.

Ainsi la méchanceté n’a pas variée. Le comportement humain scandaleux, son attachement aux biens matériels provoque la colère. La dépravation des mœurs, l’opulence, l’ivresse, l’excès alimentaire et l’oisiveté, sont toujours assimilés au péché capital de la paresse.
Par effet de miroir le récit de Sodome nous invite à la réflexion sur la figure du juste, celle de l’homme Loth, celui qui offre l’hospitalité, et qui accueille dans sa maison, deux anges étrangers.
Celui-là, est en ouverture, il représente l’aspiration à une vie nouvelle, renonçant à une vie passée.
Sa femme, contrairement, même si elle suit son époux,  ne peut s’empêcher de jeter un regard en arrière, vers la ville pécheresse en flammes, symbolisant de fait, sa conversion inachevée.
On peut relever aussi l’impossibilité de se détacher des biens matériels. Clairement l’image de la femme ici dans ce texte de la Genèse, est négative. Elle incarne l’insoumission à son époux, mais aussi à la Loi, et se voit transformée en statue de sel.
Elle pourrait être une autre incarnation d’Ève, chassée du Paradis, car capable de résister au pouvoir dominant. Elle est également celle qui ne veut pas se convertir, car bien que sauvée une première fois par sa fuite, elle retombe une deuxième fois dans son propre péché.
Un comportement qui est, dans la tradition judéo-chrétienne, voué à l’anéantissement par la damnation.
Car la confession si elle pardonne et absout une fois, ne permet pas de reproduire ad libitum, le même péché.
De nos jours cette question vis-à-vis de la conversion de soi, reste intacte. Sommes-nous totalement dans la recherche de la rédemption, ou bien seulement engagé sur cette voie, ou pas du tout ?

La conversion de soi est ce mouvement en action, qui permet l’épreuve de la mise en marche intérieure, et ce, dans la recherche d’espérance et de charité donc d’amour.
Ici avec la femme de Loth nous sommes dans l’arrêt de la conversion, qui signifie la fin d’un possible salut.
Sa conversion est stoppée brutalement et irréversiblement, dans le sel, figé comme dans le métal, la pierre ou le verre. Elle a choisi de se retourner, et de fait elle s’est condamné toute seule.
Ici nous avons deux figures : Loth d’un côté, sa femme de l’autre. Nous avons deux attitudes, deux volontés, mais qui choisissent des directions opposées.
Loth le mari obéissant et fidèle à sa promesse faite aux anges et donc à la Loi, l’autre inconstante et faible, trahissant sa parole par un retour sur ses péchés passés.
Le récit développe également  l’indocilité de la femme, écartelée par ses choix : suivre ses filles ou retourner à Sodome.
Elle choisit d’abandonner son mari et ses enfants. Double faute chrétienne  qui condamne la fuite du foyer destiné à  procréer pour transmettre les valeurs  de la Loi

Alors « Dieu brûla ces mornes campagnes, Rien ne resta debout de ce peuple détruit » nous dit Victor Hugo dans « Le feu du Ciel -Les Orientales ».
Ici le désordre de la nature provoqué par l’esprit de la Loi, semble répondre aux comportements sexuels désordonnés des hommes.
La toile de Turner « La destruction de Sodome » exposée en 1805 dans sa galerie en atteste.
Le souffre et le feu qui s’abattent sur la ville s’appliquent à tous, à la ville, aux alentours, ses habitants et la végétation. La pluie diluvienne rend tout stérile.
Une stérilité de la terre, conséquence d’une inversion de la fertilité de celle-ci.
Faut il y avoir une fois encore, une allusion du châtiment concernant la stérilité de l‘acte homosexuel, auxquels se livraient les habitants de Sodome ?
Rappelons que le jugement et la justice, du mal contre le bien, est récurrent dans les écritures. On en dénote après Sodome plusieurs autres ; la tentation du diable dans le désert, le meurtre fratricide de Caïn, le Déluge, les dix plaies d’Égypte et la Tour de Babel, notamment.
Ici le thème de la punition est central. La punition reste un châtiment toujours ancré dans nos sociétés, sécuritaires, expiatoires, ….mais à y regarder de plus près, il semblerait que ce qui est évoqué, soit le message du choix que nous avons à faire.
Un choix pour ne pas avoir à endurer une punition ou un quelconque châtiment supposé.

Un choix décidé en conscience et en action. La femme de Loth a choisi. Loth lui aussi a choisi.
Ainsi le plus important nous indique ce récit, est comment nous nous déterminons face à la Loi, pour en subir des conséquences positives ou négatives.
Ce message biblique reste toujours pertinent à l’aune de notre XXIème siècle, où l’espérance en une reconstruction personnelle, reste plus que jamais d’actualité.

Ainsi, la dévastation de la cité Sodomite, invite à nous détourner des passions  et des comportements contraires à la nature.
De nos jours, la résurgence de certains ordres intolérants et totalitaires nous inquiète. L’histoire est pourtant promesse d’espoir. Si Sodome est détruite, les survivants Loth et ses filles nous donnent une étincelle  d’espérance.
La libération de Loth symboliserait peut être celle de tout un peuple qui s’éloigne de l’idolâtrie, afin de poursuivre son chemin vers une nouvelle alliance
avec lui-même ou avec une Loi renouvelée. L’histoire  de Sodome laisse également notre imaginaire reconstruire un autre ailleurs, et si possible meilleur.

Alexandre Rosada © 2020

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