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Il est des paroles qui tombent dans le silence comme une pluie d’étoiles :
« Le temps est proche. Tout est fini. Il n’y a plus de temps. »
À première écoute, ces mots semblent n’être qu’une menace, mais peut-être faut-il y entendre un appel ?

Car ce que l’Apocalypse de Jean, visionnaire de Patmos, nous révèle, ce n’est point l’anéantissement du monde, mais sa transfiguration.
Non pas la fin, mais l’aube d’un commencement. Une naissance dissimulée sous les ruines, une aurore cachée dans l’épaisseur de la nuit.
Et peut-être, finalement parle-t-il de nous ??

Sur le plan religieux, Jean, disciple du Crucifié ressuscité, exhorte les chrétiens à proclamer la Bonne Nouvelle, quels qu’en soient les périls.
Exilé, il confie les visions reçues à Patmos.
Son livre se déploie en une suite de tableaux éclatants, comme autant de fresques ardentes : un vibrant appel à ranimer la ferveur des communautés chrétiennes, alors tentées par le repli et l’oubli de leur premier élan.

Mais  ce livre recèle surtout un enseignement caché, profondément ésotérique.
Son récit de révélation (apokalypsis) se lit comme un véritable itinéraire initiatique : les sept sceaux, les sept trompettes, les sept coupes de la colère figurent autant d’étapes de purification de l’être.

Jean contemple l’effondrement des illusions et proclame la venue de la Jérusalem céleste, descendue du ciel, où les enfants du Principe vivront dans l’éternité.
Cette cité de lumière n’est pas un mirage : elle reflète le Temple intérieur transfiguré.

Car le Rite Écossais Ancien et Accepté nous enseigne, degré après degré, que nous ne sommes pas seulement des architectes du Temple extérieur, mais aussi des bâtisseurs d’un temple de chair. Nous sommes les pèlerins d’un sanctuaire intérieur, où chaque pierre est posée dans la conscience, et où s’élève pas à pas la demeure de l’Esprit.

Ce temple n’obéit pas au temps profane. Il ne connaît ni montre, ni agenda, ni sablier. Il naît dans le moment vertical, que les Grecs appelaient le Kairos : le temps sacré, suspendu, l’instant juste. Un moment où l’on comprend soudain que le Temps, ce n’est pas ce qui passe, mais ce qui nous traverse pour apprendre à vivre dans l’éternité à l’image de nos loges, où nous marchons à l’Orient, un Orient qui n’est pas un point cardinal : mais une direction de l’âme.

À mesure que nous gravissons les degrés du Maître au Grand Élu, de l’Architecte au Rose-Croix nous cessons de vieillir pour entrer dans le mouvement de l’être, et commencer à « devenir ».

Le 14ᵉ degré nous apprend à relier l’histoire sacrée à notre propre histoire.
Le 18ᵉ nous révèle que la Croix est le point de rencontre entre le temps et l’éternité.
Ainsi, le texte de l’Apocalypse ne détruit rien : il révèle, il dévoile.

Mais derrière ce voile, quelle réalité s’ouvre à notre regard ?
Un monde sans horloges mais rempli de lumière.
Une cité de cristal aux douze portes. Une Jérusalem céleste, bâtie non par les hommes, mais par leurs œuvres justes.
A ce stade, le franc maçon comprend qu’il n’est pas maître du temps, mais qu’il peut en être le serviteur éclairé.
Qu’il n’a pas à fuir la fin, mais à accueillir un commencement.

« Le temps est proche – Tout est fini. Il n’y a plus de temps »
cette phrase nous rappelle ce que nous étions sur le point d’oublier : c’est à dire que  nous passons.

Nous passons comme passent les comètes.
Nous passons comme le vent passe sur les dunes.
Nous passons comme passent les rois, les empires, les certitudes, les amours, les guerres, les regrets.
Nous passons, oui, nous passons !Mais le Temps, lui, ne passe pas…..Ou plutôt… il nous traverse.
Il nous effleure comme une main invisible qui nous remet entre les bras de l’Éternité.
Le Temps, ce n’est pas ce que nous croyons. Ce n’est pas un calendrier ou un agenda. Ce n’est pas un âge.
Ce n’est pas une date sur une tombe.
C’est l’espace où l’étoile apprend à mourir pour mieux renaître.
C’est l’intervalle entre deux battements de cœur du cosmos.

Car enfin, que sommes-nous ? « Nous sommes de la matière d’étoiles », disait l’astronome américain Carl Sagan, confirmant l’intuition des savants.
« L’homme est un exilé qui rêve d’une patrie », écrivait Victor Hugo, et les poètes reprennent ce chant.
Quant aux anciens temples, ils murmurent comme Héraclite : « Nous sommes des voyageurs d’un jour. »

Oui …Entre le Big Bang et l’infini du retour, il y a ce miracle : nous.
Notre présence fugace, nos pas timides sur le sable du monde, nos regards jetés vers la mer, nos questions sans réponse.
Et malgré tout, l’amour, la musique, les enfants, les livres, les serments, les larmes…
tout cela n’est qu’« un battement de cil du Ciel », comme le pressentait Pascal lorsqu’il évoquait « l’homme suspendu entre deux abîmes. »

Alors, quand Jean de Patmos écrit : « Il n’y a plus de temps », il ne nous condamne pas.
Il nous ouvre.
Il nous dit : Le temps mesuré est une illusion.
L’heure est venue de vivre dans le temps vrai  celui qui ne compte plus les jours, mais les âmes.
Le maçon qui traverse les degrés du REAA ne fait pas autre chose :
Il abandonne le temps terrestre pour épouser le compas céleste.
Il cesse de vieillir et commence à “devenir”.
Il ne redoute plus la fin : il la contemple comme une aurore.
Nous avons cru être au centre du monde.
Mais nous sommes les enfants d’un battement d’ailes, dans un univers qui respire plus lentement que nos vies.
Ainsi
Ce passage, minuscule mais intense, fait de nous du macrocosme au microcosme des témoins humbles et faibles en présence de  l’immensité de l’univers.

Alors, si tout Temps est fini…
Vivons l’instant avec cette noblesse joyeuse des étoiles qui savent qu’elles s’éteindront,
mais continuent, des milliards d’années plus tard, à faire briller notre nuit.

20 septembre 2025

Alexandre Remo ROSADA

Écrivain et Journaliste.

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