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La Marche de Solal

La Marche de Solal

Solal venait d’achever son cycle d’Apprenti. Ce soir, dans le silence feutré du temple, il allait accomplir sa première marche de Compagnon. Il ignorait encore ce que cela signifiait vraiment. Cinq pas, un pas de côté. Pourquoi ce rituel ? Pourquoi cette rupture dans l’avancée ?

Avant de commencer, un Frère s’approcha de lui. C’était Arthur, un Compagnon expérimenté. Son regard était bienveillant, empli d’une sagesse silencieuse.

— Solal, chaque pas que tu feras ce soir n’est pas qu’un mouvement. C’est une progression intérieure, une élévation. Veux-tu que je t’éclaire avant que tu ne marches ?

Solal acquiesça. Arthur sourit.

— Alors écoute, et marche en pleine conscience.

Un premier pas.

— Ce premier pas, dit Arthur, symbolise la stabilité. Tu quittes le stade d’Apprenti, où tu étais brut et en devenir. Ici, tu affirmes ta base, tu reconnais que tu es prêt à avancer.

Un deuxième pas.

— Tu prends confiance. Ce pas est celui du discernement, de l’analyse. Il te rappelle que l’apprentissage ne cesse jamais et que chaque savoir est un socle sur lequel bâtir.

Un troisième pas.

— Tu sors du doute, poursuivit Arthur. Ce pas est celui de l’expérience. Tu ne répètes plus mécaniquement ce que l’on t’enseigne, tu commences à intégrer, à transformer la matière en esprit.

Un quatrième pas.

Arthur leva légèrement la main, arrêtant Solal dans son élan.

— Ici, dit-il, tu ne peux plus avancer tout droit. C’est maintenant que tu effectues le pas de côté.

Solal fronça les sourcils. Il hésita. Pourquoi ne pas continuer droit devant ?

— Le pas de côté est le premier véritable choix du Compagnon. Il marque la rupture avec la pensée rigide. Il t’invite à voir autrement, à questionner ta trajectoire. Ce n’est pas une hésitation, c’est une maîtrise.

Solal inspira et fit le pas de côté.

Tout bascula.

Non pas physiquement, mais en lui. Il comprit. Ce pas n’était pas une déviation mais une conscience nouvelle. Il ne suffisait pas d’avancer. Il fallait savoir s’arrêter, observer, changer d’angle de vue. Ce pas latéral lui révélait que la progression ne se mesure pas uniquement en distance parcourue, mais en capacité à embrasser d’autres perspectives.

Arthur posa une main sur son épaule.

— Bienvenue sur le véritable chemin, Solal. Celui qui ne suit aucune ligne droite, mais qui mène vers toi-même.

Solal prit alors son cinquième pas, avec une assurance nouvelle.

Lorsqu’il releva la tête, les Frères le regardaient, graves. Il était un Compagnon, désormais. Son chemin ne faisait que commencer.

Alexandre Remo ROSADA

Journaliste et Auteur.

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