AGAPÉ : une histoire d’Amour – AGAPÉ : a Love story
De son enfance, Emmanuel n’avait que peu de souvenir, si ce n’était sa pauvreté qui était la caractéristique la plus importante de sa vie et qui avait marqué son âme.
Emmanuel aimait beaucoup son père avec qui il habitait dans une cabane accrochée au flanc d’une montagne dominant une vallée de sapins et de cèdres centenaires.
Ils vivaient là, seuls, totalement dépourvus. D’où venait cette pauvreté. Le père ne l’avais jamais avoué à son fils mais ils vivaient leurs deux existences remplies de méditations et de discussions philosophiques.
Le père professait souvent qu’il fallait aimer son prochain, et partager cet amour vers ce qu’il y a de plus précieux.
Ainsi un jour, lors d’une promenade, il attira son fils en haut de la montagne et lui dit qu’il devrait découvrir un sentiment d’amour très particulier nommée Agapè.
Il devrait le transmettre aux autres humains installés dans la vallée, afin qu’a leur tour il partent sur les chemins pour l’enseigner car dit le père
« il n’y a rien de plus fort que l’amour Agapè qui transcende tous les autres amours. C’est un amour qui t’oblige à aimer même tes ennemis ».
Asseyons nous et je vais t’expliquer dit le père au fils.
Emmanuel obéissant, s’assis sur une souche de bois et le père commença à parler :
—Ainsi mon fils, avec Agapè nous parlons d’Amour au-delà de l’Amour. Au-delà de l’éros et de la philia.
Un amour qui parait impossible car c’est une histoire qui donne, dans la bienveillance et sans contrepartie, et qui aime, je te le disais, jusqu’aux ennemis,
ceux qui nous font du mal, les indifférents, ceux qui nous blessent et nous attristent.
—Mais comment l’accepter demanda Emmanuel ?
—Avec Agapè c’est possible car c’est un amour universel et désintéressé.
Un amour que peu de gens connaissent ou pratiquent oui c’est un amour qui ne connait ni manque, ni domination, ni passion, ni amitié.
Intéressé Emmanuel renchérit :
—Mais avant toute chose qu’est-ce que l’Amour ? Serait-ce un attribut divin ? Est-ce une joie ? Un désir ? Une puissance ?
Le père leva les yeux au ciel alors qu’un aigle poursuivais son ascension vers le soleil, puis
il continua la discussion :
—Dans notre propos, mon fils, nous ne réduisons pas l’amour à de l’affectif, même s’il y est présent, mais nous parlons de conversion du regard. Comment passer de la haine à l’amour.
Si nous regardons les religions monothéistes toutes parlent, voire enseignent l’Amour : dans l’Ancien Testament le tout puissant dit à Moïse « Par le droit que je t’ai accordé je t’aime et par le droit que j’ai sur toi, aime moi ». Dans le Coran l’idée est la même car le divin y est décrit comme « infiniment aimable et aimant » et dans la religion Chrétienne, l’amour porté par Jésus se nomme Agapè avec une idée sous-jacente de sacrifice.
Si tu veux bien mon fils, et afin d’aller au plus près de notre réflexion, regardons le texte de l’évangile de Jean, rédigé en grec. Il nous enjoint de « s’aimer les uns les autres » précisant ce qu’est l’agapè par le récit de Jésus devenu Christ.
Voici le récit : Le fils de Dieu sur les bords du lac de Tibériade demande par trois fois à Pierre son disciple « m’aimes-tu ? » mais en utilisant le mot grec « agapèo ». A chaque fois Pierre réponds « oui seigneur je t’aime » utilisant le terme « philéo » donc philia.
Pierre qui avait déjà renié par trois fois Jésus ne distingue pas l’amour divin agapè inconditionnel du sacrifice. Car Jésus sait qu’il va mourir et se sacrifier par amour pour ceux qu’il aime, non seulement pour ses disciples mais également pour l’humanité.
Mais plus grave est l’humiliation de Pierre dans cette parabole. Car si Jésus parle d’Agapè, Pierre réponds par philia. Jésus sait donc que Pierre n’a pas le même niveau d’amour qu’il lui demande d’avoir. C’est un coup de lance dans le cœur du disciple. Nous comprenons ainsi la puissance et l’immensité d’agapè. Comme si dans un couple l’un disait Je t’Aime et l’autre réponds Moi aussi je t’aime bien ! La différence est énorme et n’a pas le même intensité de sentiment amoureux.
—Ainsi demanda le fils, agapè est une forme supérieure de la philia et de l’éros grec ? Deux rapports au sentiments amoureux, mais sans en être chargé de spiritualité et d’amour de l’Amour ?
—Oui répondit le père, voilà ce qui nous rapproche de la compréhension de l’Agapè. Car Agapè comme valeur spirituelle, est désintéressement.
C’est un amour de bienveillance et de générosité. Contrairement à éros, puisqu’il s’agit avec éros de posséder l’autre pour soi.
Je le disais, ce sentiment peut aller jusqu’au sacrifice d’amour, en préférant sacrifier ses sentiments pour le bonheur et la joie d’un être aimé et perdu, qui ne vous aime plus.
En quelque sorte Agapè est le ressort du pardon. Il est amour dans un couple, et dans une relation d’amitié. Agapè supplante Eros et Philia car il les rassemble. Il est fait de nuances et de subtilités qui transcende les autres sentiments. Agapè est un concept judéo-chrétien mais il est perceptible par les non-croyants et les adeptes d’autres religions. Agapè est un rapport humain ou l’on accepte d’être moins soi-même afin que l’autre soit plus et davantage. Lui donner tout, et ne jamais être en domination. Agapè laisse l’Autre exister et peut pardonner car Agapè entraine celui qui éprouve ce sentiment jusqu’à l’amour de l’ennemi.
—Mais demanda Emmanuel, Agapè est une notion surprenante. Aimer son ennemi dit-tu mon père. Donc si je comprends bien, Aimer ceux qui nous font du mal, ou veulent notre mort. Mais comment l’accepter ?
—Revenons dans le nouveau testament répondit le père, lorsque Jésus se sacrifie à ses ennemis et meurt en croix au nom du rachat des péchés de l’humanité. Il meurt criant au père « pardonne leur car ils ne savent pas ce qu’ils font ».
Vois-tu mon fils il y a dans cette idée, une notion de sacrifice et de pardon par amour. Cet épisode est symbolique certes, mais l’idée est séduisante…
Emmanuel coupa la parole de son père et demanda :
—Mais sommes nous capables d’aller vraiment jusque-là ?
—Je réponds oui dit le père, il faut avoir de la force d’aller vers l’autre quand cet autre est votre ennemi. Imagine celui qui a pu tuer ceux de ton peuple et de ton sang mais que tu continues à aimer pour que justement il ne reste pas mauvais, mais devienne bon. Celui-là, l’ennemi, ne sait pas ce qu’est être bon et pourtant malgré la haine qui l’habite, j’ai envie de l’aimer et de lui pardonner pour lui dire qu’une autre voie est possible pour retrouver le bien. Par Agapè je suis capable de mourir symboliquement ou réellement pour lui afin de lui dire « je t’aime ». Peut-être cela sera vain et j’aurais perdu mon temps mais cette possibilité d’aimer j’aurais tenté de l’introduire en mon ennemi. Alors peut-être aussi aurais-je réussi à le changer.
Ce message certes chrétien mais finalement à portée universelle peux nous faire réfléchir afin de devenir cet autre agissant qui nous traverse lorsque nous sommes en Agapè.
Il s’agit à ce moment-là de travailler sur soi et d’opérer ce changement de regard intérieur, comprendre ce qui se passe en nous, de bien, de bon et de beau afin de le vivre pleinement pour le partager avec autrui.
—Y a-t-il des exemples d’Agapè a part l’épisode biblique dont tu m’as parlé mon père ?
—Oui dans notre littérature française de référence, Emile Zola dans « les Misérables » nous offre cette réflexion sur l’amour de l’ennemi. Au moment où Jean Valjean, un forçat déchu, rencontre l’évêque. Celui-ci croit en lui et lui donne sa chance. Valjean en retour lui vole des chandeliers en or mais il est arrêté par les gendarmes. Revenu sur les lieux du méfaits, menottes aux mains, l’évêque ne le dénonce pas aux gendarmes, mais dit qu’il a offert les chandeliers. Voilà une illustration d’amour de son ennemi.
—Si je comprends bien nous avons obligation d’agapè demanda Emmanuel ?
—Mon fils, que serions nous sans la possibilité de cette générosité de transmission et de mise en commun de nos sentiment magnifiés par Agapè. Cet état de don d’amour de soi est vital ajouta le père.
Comme un repas, un banquet d’amour au cours duquel nous partagerions le pain et le vin des nourritures matérielles et spirituelles sachant que cela est peut-être notre dernier repas et qu’autour de la table des traitres sont assis parmi nous, mais que ces ennemis il faut leur donner le pain et le vin car ils doivent apprendre à vivre en Agapè pour comprendre que sans cela leur vie restera vaine.
Avec Agapè nous sommes dans l’abandon et le sacrifice de l’égo afin de grandir en soi et en amour. Oublier ses mauvaises habitudes, oublier des mauvaises pensées pour faire place aux pensées justes, sans jugement en aimant son prochain. Car Agapè est l’amour qui donne sans contrepartie à l’opposé d’Éros qui prends. Agapè ne veut rien pour soi. Agapè n’a pas d’amour propre, Agapè est amour universel. Le moi n’existe plus et on ne fait plus qu’un avec ce sentiment qui nous emplit de bonheur.
Agapè n’est-ce pas aimer l’autre sans être forcément aimé par lui, mais en étant heureux de le savoir heureux ?
Le père et le fils se regardèrent et comprirent que leur discussion venait à sa fin. Ils descendirent vers la vallée alors qu’un vent doux venait de se lever.
En marchant au côté du père, le fils s’enfonçant dans la forêt de pins et de cèdres se mit à méditer. Il se dit silencieusement, que quelles que soient nos vies, nous devons agir par amour et compassion, et non par devoir ou plaisir. Nos actes nous constituent. Nous sommes ce que nous faisons. Il appartient à chacun de choisir pour exister. Agapè est une de ces voies, pour donner mais aussi pour recevoir et réussir une vie bonne.
Alexandre Rosada @septembre 2023
Images Alexandre Rosada + AI
AGAPÉ : A Love Story – AGAPÉ : Une histoire d’Amour
(English version)
Emmanuel had little memory of his childhood, except his poverty which was the most important characteristic of his life and which had marked his soul. Emmanuel remembered his father with whom he lived in a cabin clinging to the side of a mountain overlooking a valley of century-old firs and cedars. Emmanuel lived there with his father, alone, totally destitute. Where did this poverty come from? The father had never admitted it to his son but they lived their two lives filled with meditations and philosophical discussions.
The father often professed that it was necessary to love, and to direct this love towards what is most precious. So one day, during a walk, he pulled his son to the top of the mountain and told him that he should discover a very special feeling of love called Agape. He should pass it on to other humans living in the valley, so that they in turn can go on the trail to teach it because the father says “there is nothing stronger than Agape love which transcends all other loves. It is a love that compels you to love even your enemies.”
Let’s sit down and I’ll explain, said the father to the son.
Emmanuel obediently sat down on a wooden stump and the father began to speak:
So my son, with Agape we talk about Love beyond Love. Beyond eros and philia. A love that seems impossible because it is a story that gives, in kindness and without compensation, and that loves, as I told you, even our enemies, those who hurt us, the indifferent, those who sadden us.
—But how can we accept it, asked Emmanuel?
—With Agape it is possible because it is a universal and selfless love that speaks to us.
A love that few people know or practice yes it is a love that knows no lack, no domination, no passion, no friendship.
Interested Emmanuel adds:
—But above all, what is Love? Could this be a divine attribute? Is it a joy? A desire ? A power ?
The father looked up to the sky as an eagle continued its ascent towards the sun, then
he continued the discussion:
—In our remarks, my son, we do not reduce love to the emotional, even if it is present, but we are talking about conversion of the outlook. How to move from hatred to love.
If we look at the monotheistic religions, they all speak or even teach Love: in the Old Testament the Almighty said to Moses « By the right that I have granted you, I love you and by the right that I have over you , love me « . In the Koran the idea is the same because the divine is described there as « infinitely lovable and loving » and in the Christian religion, the love carried by Jesus is called Agape with an underlying idea of sacrifice.
If you wish, my son, and in order to get closer to our reflection, let us look at the text of the Gospel of John, written in Greek. He enjoins us to “love one another” specifying what agape is through the story of Jesus who became Christ.
Here is the story: The son of God on the shores of Lake Tiberias asks his disciple Peter three times, “Do you love me? » but using the Greek word “agapèo”. Each time Pierre answers “yes lord I love you” using the term “philéo” therefore philia.
Peter, who had already denied Jesus three times, does not distinguish unconditional agape divine love from sacrifice. For Jesus knows that he is going to die and sacrifice himself out of love for those he loves, not only for his disciples but also for humanity.
But more serious is the humiliation of Peter in this parable. For if Jesus speaks of Agape, Peter responds with philia. Jesus therefore knows that Peter does not have the same level of love that he asks him to have. It is a spear thrust into the heart of the disciple. We thus understand the power and immensity of agape. As if in a couple one said I love you and the other replied Me too I love you! The difference is huge and does not have the same intensity of love feeling.
—So asked the son, agape is a higher form of philia and Greek eros? Two relationships with romantic feelings, but without being charged with spirituality and love of Love?
—Yes replied the father, this is what brings us closer to understanding Agape. Because Agape as a spiritual value is selflessness.
It is a love of benevolence and generosity. Contrary to eros, since it is a question with eros of possessing the other for oneself.
As I was saying, this feeling can go as far as the sacrifice of love, preferring to sacrifice your feelings for the happiness and joy of a loved and lost being, who no longer loves you.
In a way Agape is the spring of forgiveness. It is love in a couple, and in a relationship of friendship. Agape supplants Eros and Philia because it brings them together. It is made of nuances and subtleties that transcend other feelings. Agape is a Judeo-Christian concept but it is perceptible to non-believers and followers of other religions. Agape is a human relationship where we agree to be less ourselves so that the other can be more and more. Give Him everything, and never be in domination. Agapè lets the Other exist and can forgive because Agapè leads the one who experiences this feeling to love the enemy.
—But asked Emmanuel, Agape is a surprising notion. Love your enemy, you say, my father. So if I understand correctly, Love those who hurt us, or want us dead. But how to accept it?
—Let’s go back to the new testament replied the father, when Jesus sacrificed himself to his enemies and died on the cross in the name of redemption for the sins of humanity. He dies shouting to his father “forgive them because they do not know what they are doing”.
You see, my son, in this idea there is a notion of sacrifice and forgiveness out of love. This episode is certainly symbolic, but the idea is attractive…
Emmanuel interrupted his father and asked:
—But are we really capable of going that far?
—I answer yes, said the father, you have to have the strength to go towards the other when that other is your enemy. Imagine the one who was able to kill those of your people and your blood but whom you continue to love so that he does not remain evil, but becomes good. This one, the enemy, does not know what it is to be good and yet despite the hatred that inhabits him, I want to love him and forgive him to tell him that another path is possible for find the good. Through Agape I am able to die symbolically or truly for him in order to tell him “I love you”. Perhaps it will be in vain and I would have wasted my time, but I would have tried to introduce this possibility of love into my enemy. So maybe I would have succeeded in changing it too.
This message, certainly Christian but ultimately universal in scope, can make us think in order to become this other active person who passes through us when we are in Agape.
At that moment, it is about working on ourselves and making this change in our inner outlook, understanding what is happening within us, what is good, what is good and what is beautiful, in order to live it fully and share it with others.
—Are there any examples of Agape apart from the biblical episode that you told me about, my father?
—Yes in our French literature of reference, Emile Zola in “Les Misérables” offers us this reflection on the love of the enemy. At the moment when Jean Valjean, a fallen convict, meets the bishop. He believes in him and gives him a chance. Valjean in return steals gold candlesticks from him but he is arrested by the police. Returning to the scene of the misdeed, handcuffed, the bishop does not denounce him to the police, but says that he offered the candlesticks. This is an illustration of love for one’s enemy.
—If I understand correctly we have an obligation to agape asked Emmanuel?
—My son, what would we be without the possibility of this generosity of transmission and sharing of our feelings magnified by Agape. This state of self-giving is vital, added the father.
Like a meal, a banquet of love during which we would share the bread and the wine of material and spiritual foods knowing that this is perhaps our last meal and that around the table traitors are seated among us, but that these enemies must be given bread and wine because they must learn to live in Agape to understand that without this their life will remain in vain.
With Agape we are in the abandonment and sacrifice of the ego in order to grow in ourselves and in love. Forget your bad habits, forget bad thoughts to make room for right thoughts, without judgment by loving your neighbor. Because Agape is the love which gives without reciprocation, as opposed to Eros which takes. Agape doesn’t want anything for itself. Agape has no self-love, Agape is universal love. The self no longer exists and we become one with this feeling which fills us with happiness.
Isn’t Agape loving others without necessarily being loved by them, but being happy to know them happy?
The father and son looked at each other and understood that their discussion was coming to an end. They went down to the valley as a gentle wind had just risen.
Walking alongside the father, the son plunged into the forest of pines and cedars and began to meditate. He silently tells himself that whatever our lives, we must act out of love and compassion, not out of duty or pleasure. Our actions constitute us. We are what we do. It is up to each person to choose to exist. Agape is one of these ways, to give but also to receive and achieve a good life.
Alexandre Rosada @September 2023
English version . Google translate.
Images Alexandre Rosada + AI
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