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Le Devoir, ou la Fidélité à la Lumière

Le Devoir. Ce mot ancien, rugueux comme une pierre que l’on taille depuis des siècles, traverse toute l’histoire de la tradition écossaise. Il vient de loin, du souffle des bâtisseurs qui dressaient leurs cathédrales vers le ciel, lorsqu’un simple coup de maillet avait valeur d’engagement et de prière. Dans les Anciens Devoirs, il était d’abord un lien sacré : aimer Dieu, respecter ses compagnons, travailler juste. Et déjà, derrière ces règles simples, se devinait l’idée d’un chemin intérieur où l’homme apprend à se tenir debout.

Puis vint le temps des Lumières, lorsque les Constitutions d’Anderson et le Discours de Ramsay déplacèrent l’axe du monde : le Devoir ne fut plus seulement vertical — tendu vers le divin — il devint aussi horizontal, tourné vers l’homme, la morale, la cité. Le Franc-Maçon, désormais, devait être un “honnête homme”, capable d’unir dans son cœur l’universel et le fraternel, la raison et la vertu. Là commença la lente et belle métamorphose écossaise : celle d’un Devoir qui ne contraint pas, mais élève.

Au XIXᵉ siècle, dans la ferveur d’une République qui croyait encore que l’exigence forge le citoyen, le Devoir devint une éthique vivante, un engagement à secourir l’autre, à maîtriser ses passions, à honorer la parole donnée. C’est ce souffle que le Convent de Lausanne porta jusqu’à nous : quelque chose comme une solennité douce, un appel à devenir soi-même un foyer de justice, de dignité et de lumière.

Et lorsque nous franchissons la porte des Hauts Grades, lorsque le 4ᵉ degré nous confie le titre de Maître Secret, le Devoir devient plus qu’une règle : il devient une quête. “Il est plus facile de faire son devoir que de le connaître” dit le rituel. Cette phrase, si simple, ouvre un gouffre magnifique. Car connaître son Devoir, c’est descendre en soi-même avec la lampe tremblante de la conscience, interroger ses ombres, affronter son propre silence. C’est accepter que nul ne peut nous dicter ce que notre âme réclame d’accomplir.

Dans la Tradition écossaise, le Devoir n’est donc pas un ordre : c’est un appel. Il est cette voix intérieure qui nous murmure qu’on ne trahit jamais impunément la lumière, qu’on ne ment jamais innocemment à soi-même. Il est cette présence invisible qui se tient près de nous “le jour comme la nuit”, lorsque nous choisissons de dire vrai, d’agir juste, de rester fidèles à notre idéal même quand le monde chancelle.

Aujourd’hui encore, dans nos loges, le Devoir demeure cette étoile silencieuse qui veille à l’Orient. Il n’écrase pas, il éclaire. Il n’ordonne pas, il inspire. Il n’exige pas la perfection — seulement la persévérance. Être Franc-Maçon, ce n’est pas accomplir des exploits : c’est tenir debout dans la vérité de ses actes, humblement, solidement, patiemment.

Ainsi le Devoir relie les siècles : de la cathédrale médiévale aux temples de nos loges, il circule comme une braise qui ne s’éteint pas. Et lorsque nous l’acceptons, lorsque nous l’accueillons comme une lumière intérieure, il devient cette parole perdue que chacun cherche, sans toujours savoir la nommer : la parole simple, grave, immémoriale de notre humanité.
Conclusion synthétique
À travers sept siècles d’évolution, le devoir dans la Tradition Écossaise est passé :
– du devoir religieux du compagnon médiéval,
– au devoir moral et civique des Lumières,
– puis au Devoir spirituel et initiatique du REAA.

Toujours présente, toujours ajustée à son époque, la notion du devoir demeure la colonne vertébrale de l’idéal écossais : unir l’homme à lui-même, à ses Frères, à la cité, et à la Vérité.

Alexandre Remo ROSADA

Écrivain et Journaliste.

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