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Librairies à Nouméa : entre vitrine culturelle et pensée dirigée ?

À Nouméa, il suffit de pousser la porte de certaines librairie pour comprendre que la neutralité culturelle a cédé le pas à l’orientation idéologique. Loin d’être un simple lieu de passage pour lecteurs en quête de roman, d’essai ou de poésie, la librairie est devenue un carrefour politique, où les étals murmurent à l’unisson un seul et même récit : celui de Kanaky.

Qu’on ne se méprenne pas : valoriser la production littéraire locale est non seulement légitime, mais nécessaire. Les voix kanak, les récits enracinés dans l’histoire coloniale, les engagements indépendantistes doivent exister, être lus, débattus. Mais lorsque ces récits deviennent hégémoniques, qu’ils écrasent la diversité des points de vue sous un rouleau compresseur militant, alors la librairie cesse d’être un miroir du monde pour devenir l’écho d’un dogme.
À trop célébrer une seule mémoire, on oublie toutes les autres !

Où sont les plumes loyalistes, les essais nuancés, les témoignages de l’entre-deux ? Où sont les ouvrages qui questionnent les récits dominants, ceux qui osent parler de cohabitation, de mixité, de complexité ? Le pluralisme éditorial ne devrait pas être un luxe, mais un devoir surtout en ces temps où les fractures s’exacerbent.

Mais au-delà de cette mise en scène idéologique, une autre question se pose : où sont les jeunes auteurs ? Ceux que l’on prétend promouvoir dans les associations littéraires, mais que l’on ne lit jamais en rayon.
Sont-ils relégués aux marges par manque de talent ? … ou étouffés, comme en politique, sous les égos pesants de quelques fossiles littéraires, toujours présents, toujours publiés, mais depuis longtemps déconnectés du monde qu’ils prétendent encore éclairer ?

Il y a, dans ce silence, quelque chose de suspect. Comme si la jeunesse créative devait encore attendre son tour, dans une salle d’attente saturée de gloires passées.
Ainsi les libraires, passeurs d’idées, deviennent malgré eux les vigies d’un climat intellectuel. Qu’ils choisissent de favoriser certains récits plutôt que d’autres n’est pas anodin : c’est un geste politique. Ou bien simplement commercial mais dangereux, car parfois plus on vends sans équilibre ni équité plus on vend son âme finalement.

La librairie devrait être l’agora d’une société démocratique, pas le pupitre d’une pensée unique. Si elle ne présente qu’une seule facette de la réalité, elle faillit à sa mission.
Le rôle d’un libraire, ce n’est pas de militer, c’est d’éclairer mais pour cela, il faut laisser toutes les lumières allumées.

Alexandre Rosada Juin 202

Alexandre Remo ROSADA

Écrivain et Journaliste.

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