L’Étreinte des Neuf
Il marchait depuis des heures à travers la nuit.
On l’appelait l’Étranger, celui qui vient d’ailleurs et qui ne craint pas les portes fermées. Son seul guide était une lampe à huile, petite flamme fragile qui semblait savoir mieux que lui où aller. Dans le silence de la montagne, le vent lui soufflait un nom : Yahoben… puis un autre, tout aussi grave : Abiran.
Deux mots de passe, deux clés pour ouvrir deux mondes — celui des hommes et celui de la conscience.
À ses côtés trottait un chien, silhouette fidèle, museau tourné vers l’ombre. Il ne grondait pas, mais veillait. Il sentait la présence de l’homme tapi plus loin, dans la cavité de pierre. Un meurtrier, un frère perdu, qui croyait pouvoir se cacher à jamais du regard des étoiles.
L’Étranger arriva devant l’entrée d’une grotte.
Un octogone parfait l’y attendait, tracé à même le sol, figure des Élus, huit angles pour emprisonner le mensonge et ouvrir la neuvième voie : celle de la juste lumière.
Au centre, scintillait une accolade, courbe douce mais puissante, symbole de l’union retrouvée — l’étreinte de la Vérité et de la Justice.
Le chien s’assit et laissa passer un souffle qui n’était pas un aboiement :
un avertissement.
Alors l’Étranger tira lentement son poignard. Non par vengeance. Mais pour désigner ce qui doit être vu. Car au 9ᵉ degré, l’arme ne tue pas : elle révèle.
Il pénétra dans la caverne.
Là, l’homme terré bondit, les yeux en feu.
Il voulut frapper, hurler, nier. Mais l’Étranger n’avança pas d’un pas. Sa lumière suffit. Elle fit trembler la pierre et les mensonges.
Le criminel comprit qu’il n’avait jamais fui la Lumière :
il n’avait fait que s’enfuir de lui-même.
Alors, dans un souffle, l’Étranger prononça les deux mots sacrés :
Neqam — la Justice qui corrige.
Naqah — l’innocence retrouvée.
Le poignard tomba à terre.
Le chien s’approcha et posa sa tête sur la main de l’homme vaincu — non pour mordre, mais pour pardonner.
Au seuil de la grotte, l’Étranger et le repenti se serrèrent dans l’accolade, l’antique étreinte des Neuf.
Une lampe, un chien, un octogone, deux mots de passe, deux mots sacrés… et dans la nuit, une certitude :
La Lumière ne punit pas, elle remet le monde droit.


