De la Liberté voilée à la Liberté dévoilée
Dans le silence du Temple obscur, là où se croisent les couleurs du Kadosh, le noir de la Nuit, le blanc de l’Esprit se joue la plus ancienne des opérations : la libération de l’homme. Car nul ne devient Chevalier sans avoir brisé ses propres chaînes, ni franchi les seuils invisibles qui séparent l’homme profane de l’homme intérieur.
La Liberté conditionnée est la première Porte :
la Porte de l’Ombre.
Elle est gardée par les Sphinx qui posent les questions que l’âme fuit :
-Qui es-tu ? Qui te gouverne ? De quoi es-tu l’esclave ?
Cette liberté là n’est qu’apparence : elle est tissée de passions, de mémoires anciennes, de désirs oubliés, de volontés qui ne sont pas les nôtres.
Elle est le “moi” qui croit vouloir, alors qu’il répète.
Dans le langage des anciens Kabbalistes, c’est Malkhouth, le royaume matériel, où l’homme marche sans conscience, portant dans sa main la clé qu’il ignore.
Dans le symbolisme écossais, c’est le temps du Temple Noir : le lieu où l’on apprend que rien ne commence tant que l’on ne s’est pas confronté à soi-même.
Mais la Loge, par la Loi du Silence, par l’obéissance au Rituel, par l’épreuve du Devoir, ouvre un passage :
l’homme cesse d’être agi, il commence à agir.
La liberté cesse d’être subie ; elle devient un travail.
Alors s’ouvre la seconde Porte :
la Porte du Feu.
C’est la Liberté absolue, celle qui ne dépend ni des rois ni des peuples, ni des dogmes ni des maîtres, mais du Feu intérieur.
Les anciens l’appelaient la Liberté de l’Être.
Elle naît lorsque le Compagnon est devenu Maître, lorsque le Maître a accepté la mort d’Hiram, et lorsque le Maître Secret comprend que la Parole perdue n’est pas perdue : elle était voilée.
Cette liberté ne s’apprend pas ; elle s’éveille.
Elle ne se reçoit pas ; elle se révèle.
Dans la Kabbale, c’est Tiphereth, le Soleil du centre, où l’homme n’obéit plus à la Loi extérieure mais à la Loi intérieure, celle que l’âme reconnaît avant même que l’intellect ne la formule.
Dans l’Écossisme, c’est l’apparition de la Lumière rouge du Kadosh : la liberté ardente, purificatrice, qui ne détruit que ce qui doit mourir.
Alors l’initié devient Chevalier de lui-même.
Son épée n’a plus pour ennemi les tyrans du dehors, mais les tyrans du dedans.
Sa justice n’est plus celle des tribunaux, mais celle de la Conscience.
Sa liberté n’est plus celle du choix, mais celle de la vision.
Et voici que s’ouvre la troisième Porte : la Porte du Silence lumineux.
C’est la synthèse des deux libertés : le lieu de la dialectique accomplie.
Car la liberté conditionnée est le chemin ; la liberté absolue est le sommet ; et la dialectique est l’ascension.
Au 30ᵉ degré, l’initié sait que la liberté n’est pas rupture, mais union :union de l’Ombre maîtrisée, du Feu transmuté,
et de la Lumière reconnue.
Alors, dans le Temple intérieur, le Chevalier comprend que sa véritable mission n’est ni vengeance ni domination, mais Réconciliation :
réconcilier le monde extérieur avec l’axe intérieur, la loi profane avec la Loi de l’Être, la liberté des hommes avec la Liberté de l’âme.
Et de cette Réconciliation naît un homme nouveau :
Libre parce qu’il est devenu vertical,
Libre parce qu’il est devenu Lumière.


