Juger de toutes choses …
I
Il faut en convenir, pour nous monothéistes, notre cœur abreuvé aux réflexions du Livre, ne doit pas nous faire oublier que nous avons des pensées, dont les racines puisent également dans la pensée mythologique grecque.
Celle-ci a été et reste, un terreau considérable pour faire éclore les principes de perfection, de civilisation, de paix et de justice, dans un contexte de principe polythéiste absolu.
Derrière le symbole réside l’idée nous apprennent les sages, et la vérité n’appartient qu’à celui qui doute.
Le mythe c’est cette histoire vraie qui a commencé à l’aube des temps, et qui nous sert de modèle dans nos comportements. L’être en capacité d’initiation, par imitation, en détachement, pénètre dans le temps sacré. Il s’agit pour lui, en volonté, de percer les mystères, et de réactualiser le temps profane.
Observer le monde, dans son harmonie, pour tenter de comprendre ses règles et trouver un sens, tous les philosophes, Héraclite, Anaxagore, Socrate et Platon nous enseignent que seul l’invisible est le réel. Au-dessus de nous, disent-ils, réside l’Etre dans son unité qui nous soutien dans sa permanence, car la matérialité par ses aspects multiples, changeants, et imparfaits nous égare. Ainsi préexistait, le principe d’une morale commune qu’il convient d’observer avec grande humilité, et dans laquelle l’humain est un fragment, de l’ordre universel juste et parfait.
Animaux métaphysiques, ne sommes-nous pas dès la naissance à la recherche du sens des mystères naturels ?
Croyances, mythes, religions ou sociétés à caractères initiatiques, à travers elles, nous nous incarnons dans un principe supérieur.
Du polythéisme gréco-romain au monothéisme islamo-judéo-chrétien, la présence métaphysique nourrit nos vies.
Depuis les dieux multiples de l’amour, de la justice, de la guerre, de la beauté, de l’enfer, jusque au seul et unique Dieu créateur de l’univers….et même au-delà, si l’on observe les religions sans Dieu, tel le bouddhisme qui recherche la vérité et le détachement hors un principe divin Nous sommes dans une quête de plénitude intérieure.
Il faut également convenir que ce phénomène de présence spirituelle est souvent double. Transcendant et exotérique, en affection avec le monde qui nous entoure, Immanent ou ésotérique, en auto-affection subjective qui nous donne vie et conscience.
Transcendant car quel que soit le mouvement, il induit un moteur. L’existence présuppose un être nécessaire et immortel. Toutes les valeurs et finalités inscrites dans la nature ou dans l’humain sont soumises à cet absolu. Il donne à l’humanité son fondement, son sens et sa valeur.
Immanent car le principe réside en nous, il nous constitue à l’intérieur de nous-mêmes. Sartre affirmait « tout est intérieur de tout » et Nietzsche confirmait que « Dieu est mort » nous laissant rechercher dans notre propre immanence une vérité transcendante et définitive pour chacun de nous.
Ainsi où qu’il se trouve, en soi ou hors soi, le principe contient sa propre loi, il se fait dans l’éternité du temps infini.
Trouver sa condition humaine requiert alors dépassement, transgression et sublimation afin que le sacré prenne le pas sur le profane pour devenir un autre soi-même. Nous sommes proches de la transfiguration, où le changement de corps se transpose en changement d’apparence, afin de révéler notre nature spirituelle.
Une démarche de renaissance, d’un état inférieur à un état supérieur, sans doctrine, mais en pleine conscience.
II
Mais où se cache ce rayon du verbe, étincelle du principe spirituel ?
De l’homme à l’émanation de l’absolu, de l’homme au logos, les degrés sont nombreux pour développer son ascension vers Lui. L’existence de cet esprit universel dans lequel nous vivons et nous nous déplaçons, opère en nous comme en toute chose selon Paul de Tarse. S’il se manifeste c’est pour nous donner sagesse, science, ouverture, discernement. Du verbe de nos bouches, à l’intelligence de notre cœur, nous sommes animés par cet astre solaire central qu’est l’esprit cosmique.
Etre dépositaire de ce don, c’est être capable d’incarner le principe sans jamais pouvoir l’atteindre. Une révélation, ne prétend pas vouloir rivaliser avec elle ou tenter de la dépasser. Son état immatériel, ineffable nous en empêche.
Posséder cet esprit en dehors de toute religion, de tout culte, c’est admettre que nous le possédons en chacun de nous, que nous sommes capables de répandre cet esprit de vérité sur autrui, notre prochain.
Car l’homme spirituel peut juger de toutes choses.
Ses pèlerinages au centre de lui, accouchent comme dirait Socrate, de nombreuses renaissances pour s’accomplir après le sacrifice de l’égo. La lutte est un outil essentiel pour son salut contre le mal. La vigilance doit être de chaque instant.
Il ne s’agit pas de faire la guerre pour gagner la paix, il faut user et abuser de son sens spirituel pour faire vivre la concorde entre tous. Une volonté nécessaire en vue de réaliser son objectif. C’est un des grands pouvoirs donné à ceux qui ont un esprit de patience. Cette formule est proche de celle du grand œuvre des alchimistes ,qui consiste à dissoudre le fixe, et coaguler le volatil, pour atteindre la Magnum Mystérieux autrement appelé l’Unique Nécessaire. Un nécessaire pour « se détacher du fruit de l’acte en redoublant d’effort en vue de l’accomplissement de l’acte » comme l’enseigne également la Bagavad-Gita.
Rassembler ce qui est épars, la pensée intuitive d’une part et la raison d’autre part, sur le chemin de la connaissance, nous convergeons avec le principe qui existe en nous. Nous sommes une partie de lui, tel un maillon dans la chaîne cosmique. Sa transcendance nous libère sans mysticisme religieux, ni extase, ni repli sur soi, mais en partage et en ouverture sur le monde et soi-même.
Il s’agit d’une illumination, c’est à dire d’une lumière qui nous rapproche, sans dogme mais en liberté de conscience. Du visible vers l’invisible, du dicible vers l’indicible, en apprentissage permanent, celui de la connaissance.
Il ne s’agit pas là de bredouiller un catéchisme, mais il est question ici de vivre pleinement une marche ascensionnelle. Il n’est nullement question de démontrer, mais de ressentir un art de la pensée, afin de construire un édifice de ses propres convictions dans le doute et non les certitudes. C’est une question de vérité et d’amour, pratiqué en tolérance et en humilité. Dans la synthèse des Dieux des religions et des philosophies tirées du néant, nous sommes à la croisée des chemins, pour construire le cosmos contre le chaos. Ici la Loi et le principe concourent à l’évolution universelle. Réunir les esprits sans les diviser, rassembler ceux qui veulent chercher, et rendre intelligible et compréhensible ce qui demeurait obscur, caché, épars.
De cette conversion du regard naît cet universalisme de la pensée.
Comprendre sans exclure, agir pour vivre une bonne vie.
Ainsi nous pouvons nous autoriser à penser que le principe nous habite, et prétendre à se sentir une part de son émanation.
Alexandre Rosada. @ Mai 2020
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