Anges parleurs au siècle des messages
Mais qu’en est-il de la figure de l’ange, dans notre modernité aliénante ? Sa présence dans les trois religions monothéistes, suffit-elle à le rendre plus que jamais vivant à notre conscience ?
Ni indocile, ni déchu, l’ange parle à qui veut bien l’entendre. C’est un intermédiaire.
Il est une interface entre monde céleste et monde terrestre.
Dans l’histoire des religions, le nombre d’anges est considérable, ils sont tour à tour, musiciens, gardiens, annonciateurs ou rebelles. Avec leurs ailes, ils sont souvent androgynes, mais symbolisent surtout un idéal de beauté et posent la question du merveilleux dans nos représentations métaphysiques.
Créatures corporelles mais subtiles et éthérées. Gabriel, Michel ou Raphael dans le Christianisme, Djibril dans l’Islam, les anges, sont des êtres de nature purement spirituelle.
Entités énigmatiques ils appartiennent au monde intermédiaire c’est-à-dire au plan astral.
I
Doté d’une double fonction, messager lorsque il est doté de la parole et substitut quand il est muet.
Ils écoutent et ressentent nos monologues intérieurs.
Rappelons-nous le film « Les ailes du Désir » de Wim Wenders. Les anges messagers Damiel et Cassiel, à Berlin se rapprochent des humains.
Prés d’eux, en apaisement, ils recherchent le sens et la beauté cachée du monde. Ils entendent la douleur de ces humains flétris et broyés par le système. Ils confessent leur désarroi et leur détresse sentimentale ou amoureuse.
On le voit, la figure de l’ange, malgré la laïcisation de la pensée, reste omniprésente dans les représentations iconiques de la modernité.
Sa présence est multiforme, cinéma, théâtre, littératures. L’ange met en scène à la fois fantasmes, dépassement de soi, représentation du sacré, et médiation avec d’autres mondes.
Au XXIe siècle ces autres mondes sont symbolisés, par la transformation radicale de l’économie mise en réseau planétaires avec les autoroutes de l’information. De nouvelles forêts de totems sont nées dans ce que l’on nomme dorénavant la post-modernité, c’est-à-dire notre futur.
Nous vivons à partir de maintenant le siècle des messages. Nous avons quitté l’univers de Prométhée, en conflit avec l’Olympe et les Dieux, et nous sommes guidés vers celui d’Hermès, le Dieu des messagers, de la communication, des voyageurs, des gardiens des routes. Ce temps est devenu notre temps, celui qui met en relation de nouvelles valeurs d’idéaux démocratiques, de nouvelle solidarité, et de générosité. Cette nouvelle force de cohésion du monde s’est révélée après la mutation normale d’une époque révolue.
II
Dans ce contexte la culture chrétienne comme les autres cultures du livre, donne toutes leurs places à l’ange médiateur, passerelle, pont, voire arc en ciel, entre principe universel céleste, et terrestre.
Sa révélation délivrée au croyant, atteste la présence de l’ineffable, et la rend manifeste.
L’ange est comme celui qui rend possible la communication avec le Principe. Tel Métatron dans la culture de la kabbale juive. Enlevé par Dieu Métatron, marcha avec lui, accueilli sur la montagne du midi, avant de disparaître définitivement.
L’ange plus généralement, nous enseigne ce qu’il veut de nous et comment ressentir la transcendance. Il incarne l’appel, la parole, il est témoin témoin de la présence sacrée, il apparaît aux humains, et au monde en délivrant les signes.
Annonciateur de ce qui va arriver, il aide aussi à la résolution d’un problème de conscience.
Il lie et délie les récits de l’existence. Il exprime la providence sacrée et transmets le grand dessein principiel, il aide à réaliser le plan de l’Architecte.
III
Comme nous l’avons vu avec le cinéma de Wenders, l’ange reste une figure ancré dans la modernité.
Sur la toile internet des milliards d’individus sont en ce moment connectés par liens horizontaux. De nouvelles solidarités émergent. Des communautés branchées entre elles, créent des résistances, et se rapprochent en termes d’affects. Le virtuel rend un autre réel possible, plus communautaire.
Comme avec les anges, l’échange et le partage de toutes les idées, sauf celles du fanatisme et des stigmatisations est possible. Ces milliers de communautés, forment une mosaïque émotionnelle, qui agissent à plusieurs niveaux, soit de manière linéaire, transversale ou bien ascendante mue par une logique verticale inspirée par la spiritualité.
Le village global de Mc Luhan, prédit dans les années 60 est enfin advenu. La contre-culture New Age à unifié le mouvement. Les GAFA ont pris le relais, avec eux des frontières ont été franchies, grâce aux nouvelles technologies
Ainsi ces anges parleurs, au cœur de la matrice, tel des petits dieux sauveurs, au centre de nos cathédrales de béton et de verre, sont les nouveaux médiateurs cosmiques. Leur souffle associé à Big Brother renforce la notion de lien avec la spiritualité. Ils nous envoient les sons et les images de ce que nous sommes, le reflet de notre propre miroir, à travers les réseaux sociaux, triés, et dépourvus de haine et d’intolérance.
Leurs messages désormais se nomment ; Sons et images du ciel, de l’espace, de la vitesse, des drones, des croyances bénéfiques ou maléfiques, sans oublier la musique, la peinture, le cinéma, le théâtre, la littérature, bref la connaissance, et le savoir.
Quel que soit leurs avatars. Ils sont parmi nous, et partout. Invisibles. Pour créer de nouvelle sociabilité. Ils sillonnent silencieusement l’espace au milieu des humains dans un nouvel ordre technologique, prometteur d’un âge d’or de la communication, et destructeur dans ses pires effets d’exclusion et de fanatisme.
Êtres de lumières, les anges sont heureusement porteurs de bonnes nouvelles et de poésie pour l’âme. En retrouvant ce fluide vital nous pouvons élever notre esprit vers la conscience cosmique universelle.
Alexandre Rosada © Juin 2020
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